dimanche, novembre 26, 2006

La manip à BUS (Baie-Américaine)

Baie Américaine est une station d’étude située à 7 ou 8 kilomètres de la Base, ce qui donne un bon 2 heures et demi de marche, car cela monte et descend tout le temps. Simon-Pierre m’a amené là-bas deux jours afin que je connaisse le chemin (à l’aller ce n’était pas gagné, j’ai baissé la tête tout le long) et qu’on continue de cartographier la répartition du ver de terre introduit. Cette manip fut toute une expérience. Le départ s’est fait sous la pluie, le brouillard et le vent, on ne voyait pas à 20 mètres, obligé de porter un masque car tu ne vois plus rien. Dès la première montée, j’avais les cuisses en feux, j’en ai chié comme une grosse … Mais le déplacement valait la peine. Les deux jours suivants, nous avons eu un temps magnifique (vous pourrez voir les photos), nous avons vu des manchots, des pétrels, des damiers du caps, des éléphants de mer et des orques. Nous ne les avons pas vu « beacher » pour manger les bestioles qui traînent sur la plage, mais nous les avons vu passer à quelques mètres de nous, et nous avons vu une femelle faire un petit cours à ses jeunes. Au moment où tu vois l’aileron du mâle, qui peut faire 1 mètre 80, sortir de l’eau, à peine deux ou trois mètres du bord, et que tous les animaux paniquent et fuient, même les éléphants de mer mâles, qui font plusieurs tonnes, ça donne des frissons. C’est là que tu te rends compte de ce que tu vis. Sur la base, on bosse tout le temps, donc on n’a pas vraiment le temps de réaliser ce que l’on vit. Mais là, ouah. Tu n’es rien fasse à tout ce qui t’arrive, tu es là parce que les bestioles le veulent bien. Et elles n’hésitent pas à te déranger si elles le désirent :) Mais ce qui est super drôle, c’est de voir le comportement des manchots. Ils sont tout le temps en groupe, mais il y a toujours un petit curieux pour venir voir à quoi tu ressembles. Le jeudi soir, j’étais en train de me laver dans la rivière, avec la frontale, lorsque j’ai entendu du bruit, et lorsque je me suis retourné, il y avait un manchot qui s’approchait de moi tout doucement. C’était super drôle, il se retournait de temps en temps pour dialoguer avec le reste du groupe, qui était en face de moi, de l’autre côté du rocher, comme s’il avait perdu à la courte paille et que c’était à lui de venir voir qui j’étais, mais qu’il n’était pas super rassuré. Il a fixé ma frontale, qui était à terre, puis m’a regardé finir de m’habiller ; les manchots sont beaucoup plus curieux que ce que je pensais. En tous cas les manchots royaux, car les papous et les gorfous, eux, sont beaucoup plus craintifs, il ne faut pas trop les approcher. Sinon, nous avons été accueillis à BUS par une équipe d’archéologue du CNRS de Paris que j’avais rencontré sur le bateau, et nous avons passé du bon temps ensemble. On les a même aidé à déplacer les pierres d’un chaudron de phoquier qu’ils vont ramener en métropole pour le restaurer. C’est leur boulot ici à Crozet ; ils partent ensuite début décembre à Kerguelen, pour finir d’étudier d’autres sites. Cela fait du bien de rencontrer du monde de science humaine, car nous n’avons pas forcément les mêmes façons de voir les choses ici sur l’île. Enfin, le vendredi nous sommes repartis en direction de la base, et nous avons repris les montées, et les descentes, en sens inverse, mais ce n’était pas plus facile dans ce sens là. En arrivant à la base, j’étais détruit ; punaise, les études, ce n’est pas bon pour la santé …

mardi, novembre 21, 2006

Premières impressions et vie sur la base


En fait, en essayant de prendre un peu de recul, car cela fait déjà près de 2 semaines que je suis ici sur base, c’est assez difficile de vraiment exprimer ce que je ressens, pour ceux qui se demande ce que cela fait. Enfin disons, pour être plus précis, que c’est un peu bizarre comme impression. Le voyage est malgré tout fatiguant, et comme nous attaquons le boulot directement à notre arrivée, car les manips ne sont pas faciles et la passation de consigne n’est en fin de compte pas si longue que cela (environ 1 mois), on fait des grosses journées de travail. En ce qui me concerne, j’ai malgré tout la chance d’avoir un programme avec beaucoup de terrain, donc à ce jour j’ai déjà pu sortir 2 ou 3 fois de la base, et samedi prochain je pars traverser l’île (dans le sens sud-est nord-ouest) afin de voir les différentes stations de manips. Cela va durer 5 ou 6 jours et je devrais pouvoir voir certainement les plus beaux spots de l’île. Mon prédécesseur, Simon-Pierre, veut me faire faire ce tour car il est interdit, pour les nouveaux arrivants, de partir dans des zones que l’on n’a jamais faîtes à pieds. Je pourrais donc partir avec n’importe quel accompagnateur de la base par la suite dans ces zones-là. Ensuite, nous avons beau être en début d’été, le temps est vraiment rude. Nous avons eu, par exemple, du soleil le jour de notre arrivée, et nous pouvions nous balader en tee-shirt, mais nous avons eu aussi de la neige plusieurs fois depuis notre arrivée. Et le vent étant extrêmement violent, même si les températures à l’abris ne descendent pas en dessous de zéro, les sensations dehors sont extrêmement proches des -10°C que j’ai pu connaître à Québec. Et les prévisions météo confirment cette impression parce qu’une fois corrigées en prenant en compte le vent, les températures sont régulièrement considérées entre -5 et -10°C. Et maintenant je sais ce que c’est que de marcher contre le vent :) et il paraît que je n’ai encore rien vu. D’après les « anciens », il peut arriver que tu passes certains cols en rampant, car c’est impossible de le faire debout, même avec le poids d’un sac à dos. Une année, il a même fallu qu’une fille se fasse porter par des gars, pour passer le col, elle n’était pas assez lourde … en tous cas, on verra bien, mais ça promet. Je travaille déjà avec toutes mes affaires d’hiver (chaussures de montagne, gore-tex et doudoune en duvet) alors que c’est le début de l’été. Ah au fait, ça me fait penser qu’hier nous avons vu un iceberg se balader entre notre île et l’île de l’Est, qui est en face :) Punaise, en tous cas, nous sommes loin des moyennes affichées dans les présentations que j’ai vu jusque là, avec les 2°C de moyenne en hiver et les 8°C en été, et je suis bien content d’avoir acheté des trucs pour le froid.

Pour le reste, la vie de la base est super bien organisé, les gens sont extrêmement sympas et tu as tout ce dont tu as besoin ici, il n’y a pas de problème. Le matin, le petit dèj’ est libre, tu peux arriver plus ou moins quand tu veux, puis ensuite à midi, le repas commence à 12h30, et le soir à 19h30. Puis un truc sympa sur Crozet, est que le personnel est limité, comparé à Kerguelen. Donc nous avons ce que l’on appelle la « petite Marie », et de temps en temps, c’est à toi de nettoyer les locaux communs, de préparer la salle de restauration, d’aider le cuisto s’il a besoin, et de servir les repas et de gérer le lavage de la vaisselle. Deux personnes de la base sont désignées tous les jours pour cela, mais c’est cool parce que de toutes façons tout le monde t’aide. Concernant le logement, nous avons des chambres individuelles, avec toilettes et salle de bain, c’est le grand luxe, et j’ai la plus grande, c’est tombé comme cela car Simon-Pierre avait cette chambre, et c’est bien pratique pour balancer ces trucs partout quand tu reviens du terrain tout mouillé. Nous avons des machines à laver, des sèches linges sur place également. Puis nous avons une bibliothèque, un cinéma (avec des vrais sièges de cinéma), un labo photo, un billard, un baby-foot, une table de ping-pong, une salle de muscu et cardio, un bar dans le bâtiment commun, et un autre petit bar qui fait café (ou l’inverse) dans le bâtiment des labos de recherche. Ouais, l’ambiance est vraiment cool parce que nous sommes un petit groupe d’à peine une dizaine de jeunes « scientifiques » (pour tout le bâtiment ; à tel point que certaines personnes du reste de la base pensent que nous sommes des branleurs) une fois que l’on aura mis le reste des chercheurs dans l’hélico, nous serons vraiment chez nous. Dans le fond, nous sommes amenés à gérer nos labos respectifs, pour que tout marche et reste en état. C’est la belle vie :)

L'arrivée à Crozet


Enfin, jeudi en milieu de matinée, nous avions l’île de la Possession et l’île de l’Est en ligne de mire. Les quelques mois qui nous séparaient de l’entretien ainsi que des tests médicaux et psychologiques obligatoires pour venir ici ont passé tellement vite, que je ne m’étais pas rendu compte de ce que j’allais vivre réellement ; en fait, une fois que tu as la réponse, et que tu sais que tu pars, tu as tellement de choses à faire, et tes amis et ta famille sont tellement content pour toi que tu ne réalises pas ce qui t’arrive. C’est en apercevant la base Alfred Faure, tout là haut, à quelques centaines de mètres (ou je devrais dire quelques secondes d’hélicoptère, car c’est le moyen que nous avons utilisé pour nous y rendre), sur la falaise, les quelques bâtiments perdus dans ce paysage sauvage, la grisaille, le vent glacial, les manchots nageant autour du bateau, les albatros et les pétrel à menton blanc sur le pont, que j’ai enfin réalisé ce que j’allais vivre. Là, j’ai eu un petit pincement au cœur, parce que ça y est, tu y es, tu as en face de toi la terre où tu vas passer les 13 ou 14 prochains mois de ta vie. Nous avons donc pris l’hélicoptère, puis nous avons été accueillis par les petits hommes en orange, maquillés pour l’occasion, derrière leur visière de protection, sur la zone d’atterrissage, puis nous avons posé nos bagages dans notre chambre et nous avons rencontré les autres membres de la base (dont les personnes que nous allons remplacer, et qui vont partir à la rotation de décembre pour la plupart) dans le bâtiment faisant office de restaurant, bar, café, salle de jeu, cinéma et bibliothèque. Ensuite, en ce qui me concerne, nous (les membres de l’équipe Écobio) sommes partis avec le chercheur polonais spécialiste des mousses faire des prélèvements dans les environs de la base afin de faire le tour des espèces présentes dans le coin. Nous avons alors eu l’occasion d’aller à la manchotière. J’ai pu voir de près mes premiers manchots, mes premiers éléphants de mer et mes premiers chionis, les petits oiseaux tout blanc qui courent partout et qui viennent voir à quoi tu ressembles. Nous avons ensuite longé les falaises, pour observer les quelques populations de plantes (en particulier de chou de Kerguelen) que je devrai suivre pendant mon hivernage, et aussi, pour tenter d’apercevoir les orques de la baie du Marin. Et nous avons eu la chance de les croiser (voir photos), ils sont passés à quelques mètres de nous. Puis lors du retour à la base, nous avons croisé des manchots papous, des albatros fuligineux (qui sont absolument magnifiques) et hurleur, des skuas, … et des goélands. Bon, c’est sûr ils sont vraiment plus beaux ici qu’en métropole, par contre, l’éloignement aux continents n’a pas l’air de les avoir rendu plus intelligents. Enfin on verra bien, je changerai peut-être d’avis. Puis pour finir sur la lancée, nous avons fêté notre arrivée autour d’un punch, nous avons eu le droit à un super repas de bienvenue et nous avons continué la soirée, vous devez vous en douter, autour d’une bonne bière, intégration oblige :)

Le voyage …

Bon ba ça y est, … je suis sur la base Alfred Faure, sur l’île de la Possession, dans l’océan indien austral. Le voyage a été plus long que prévu, ce qui ne m’a pas trop rassuré au début, parce que le bateau, pour moi, plus c’est court et mieux c’est. Mais en fin de compte, tout s’est super bien passé. Je suis parti de l’aéroport de Toulouse, direction Paris Charles de Gaulle (c’était BEAUCOUP plus rapide que le train et moins cher en plus) pour retrouver le reste des scientifiques rattachés à l’IPEV allant dans les TAAF, et prendre notre avion qui partait aux alentours de 19 heures. Petite surprise en arrivant, Air Austral, notre compagnie aérienne, à l’air d’être une filière d’Air France. Donc le voyage pouvait s’annoncer un peu moins craignosse que ce que je pensais … ouais, parce que cela me tentait moyen de me retrouver quelques heures plus tard avec un gilet de sauvetage sur le dos et sur un radeau perdu dans l’océan :) Par contre, deuxième surprise, nous avions un boeing 777 (comme pour aller au Canada), mais ils n’avaient pas pris l’option télé individuelle … c’est là que je me suis rendu compte que je m’étais embourgeoisé avec le temps (mais d’abord j’en suis fier, au moins pour ce point là). Toutefois, le trajet a paru super court ; j’étais tellement fatigué que j’ai somnolé une bonne partie de la nuit et je n’ai même pas regarder les films. Le lendemain (vendredi), nous sommes arrivés à La Réunion. Après avoir passé la douane, qui nous a fouillé assez soigneusement (ils ont l’air de vraiment vérifier les personnes qui arrivent sur l’île), un bus est venu nous chercher et nous a amené directement au port (qui est pas mal éloigné de l’aéroport en fait), et nous nous sommes enregistrés, puis nous avons embarqué sur le bateau, dont le petit nom est Marion Dufresne. Il paraît que c’est le plus grand bateau océanographique (je ne sais pas trop si c’est vrai), mais c’est lui qui a le record de profondeur de carottage en milieu marin. Entre temps, je m’étais patché contre le mal de mer, car il faut le mettre 6 à 12 heures avant le voyage. Donc j’ai commencé à ressentir les effets petit à petit, dont le principal (ce jour là) était de faire dormir. J’ai donc lutté comme un fou toute l’après-midi pour voir le départ de l’île et surtout l’arrivée de l’hélicoptère ; mais j’ai craqué et j’ai tout raté … et j’ai même raté le repas du soir, je me suis endormi sur les banquettes du bar. Étant patché, j’avoue que j’ai trouvé le voyage extrêmement agréable (mis à part les effets secondaires du patch). Nous sommes passés par l’île Maurice, où nous avons passé la journée du samedi sur place, puis dans la nuit le bateau est reparti, direction les îles Crozet. Puis là nous avons eu de tout, avec graduellement : les grosses journées ensoleillées avec short, bronzette, coups de soleil et mer d’huile (dimanche et lundi), la belle ensoleillée avec une mer moins calme (mardi), puis les journées de grisaille ou de pluies, avec mer plus ou moins calme (mercredi), et enfin, la mer démontée (jeudi) ; au point que des choses se renversent en cuisine ou durant les repas, et même dans la passerelle de commande. Nous n’avons pas essuyé de grosse tempête, mais nous avons pu nous rendre compte du changement de température lié au franchissement de la convergence subtropicale, qui est la zone de transition entre les eaux chaudes de l’océan indien et les courants marins plus froids liés au rapprochement du front polaire (qui se situe, lui, davantage à la latitude de Kerguelen). C’est vraiment surprenant, la température chute brusquement. Sinon concernant les effets secondaires du patch anti-mal de mer, là aussi c’est surprenant. Je pense que je les ai tous eu, sauf les plus dangereux. J’ai eu des troubles de la mémoire (ça c’est un peu con quand tu poses une question au guide du jardin botanique et que tu regardes l’hévéa, mais que tu ne te souviens plus de son nom), de la vue (la pupille se dilate, donc impossible de lire de près, t’es aveugle), musculaire (c’est là que tu te rends compte que courir, dans le fond, ce n’est pas si simple que cela) et quelques somnolences. Par contre, la mer avait beau être déchaînée, je pouvais cavaler partout, prendre des photos, lire et même travailler sur l’ordinateur … et là, … punaise, là j’ai savouré les deux derniers jours. Pour une fois, j’ai eu l’opportunité de contempler le monde au bord de la nausée (en particulier tout ceux qui n’avaient pas voulu prendre de patch après avoir vu ma tête le vendredi soir), devenir petit à petit tout blanc … le bonheur infini.